Femmes En Tête 2023 – Mélanie Guenais

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Femmes En Tête 2023 – Mélanie Guenais

mélanie guenais femmes en tête

A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, nous présentons toute la semaine du 8 mars 2023 une série de portraits de femmes remarquables mises en avant par les sociétés savantes membres et associées du Collège des Sociétés Savantes Académiques de France.

Mélanie Guenais est maîtresse de conférences à l’Université Paris Saclay et  membre du Laboratoire de Mathématiques d’Orsay (LMO, UMR8628). Elle est aussi vice-présidente de la Société Mathématique de France


Qu’est-ce qui a motivé votre choix de domaine d’études et de recherche ? Aviez-vous un modèle inspirant (parent, enseignant.e, personnage de la littérature, du cinéma…) ?

Dans ma famille, seuls mes parents ont le bac.  Mon père est ingénieur, ma mère était à la maison pour s’occuper de notre fratrie. J’idéalisais beaucoup l’idée d’être « ingénieuse ». Mais finalement j’aimais surtout les maths…et les livres de fiction ! Après mon entrée à l’ENS de Paris, j’ai choisi mon domaine de recherche un peu au hasard grâce à un professeur en master qui m’a donné envie de m’engager dans la théorie ergodique. Cela correspondait bien à mon souhait d’approfondir mes connaissances de manière transversale sans m’enfermer dans un seul domaine des mathématiques. 

Sur quel sujet travaillez-vous ? En quoi est-il important pour la science ? pour la société ?

Mon domaine de recherche est la théorie ergodique.  J’y étudie particulièrement des propriétés spectrales de systèmes dynamiques mesurés. C’est un domaine de mathématiques qui est à l’interface de nombreux thèmes : analyse, probabilités, théorie de nombres ou encore géométrie. Il s’agit d’étudier des systèmes concrets, comme des déplacements d’une boule dans un billard qui aurait une forme bizarre, et qu’on aurait rendu abstraits pour essayer d’en dégager des principes généraux. Ce domaine est intéressant car il permet de faire des liens entre des problèmes de natures très différentes. C’est important pour les comprendre mieux. 

Quelle est votre plus grande réussite dans votre domaine ?

Je pense que ma plus grande réussite n’est pas dans mon domaine de recherche, mais dans mon action de diffusion scientifique. Dans le cadre de ma fonction de vice-présidente de la Société Mathématique de France, nous avons réussi à transmettre l’alerte sur la formation en mathématiques au lycée. La diffusion dans les médias a été d’une ampleur tout à fait imprévue. La poursuite de nos échanges avec les médias et les politiques a permis de contribuer à la prise de conscience collective de l’importance des maths dans la société qui sont devenues un sujet politique très inhabituel. C’est une belle réalisation d’un collectif scientifique large et solidaire que j’ai eu la chance de coordonner. 

Quels sont vos projets professionnels pour les prochains mois, les prochaines années ?

Je ne manque jamais de projets. La difficulté est de savoir lequel choisir.

Peut-être, poursuivre au sein du collectif scientifique qui s’est fédéré autour de notre action citoyenne pour enrichir le dialogue entre science et société ?

Avez-vous rencontré dans votre activité des difficultés (personnelles/sociales/structurelles) dues au fait d’être une femme ? ou au contraire, cela vous a-t-il parfois aidée ?

J’ai malheureusement été victime de harcèlement sexuel et moral comme trop de femmes dans mon milieu, très masculin et compétitif. Les discriminations sont un fléau qui continue de nuire même lorsqu’on se sent « rescapée ». Ces micro-agressions sont peu perceptibles, mais leur accumulation quotidienne finit par peser. Ce sont des allusions, des mauvaises « blagues », du mansplaining, de l’arrogance, de l’entre-soi, du manque d’écoute ; tous ces signes conduisent à la perte de confiance en soi et au repli sur des tâches d’intérêt général qui compromettent l’activité de recherche. Cela bloque notre progression de carrière alors que notre travail pour la communauté est souvent énorme.

Quelle est la situation au plan de l’égalité Femmes-Hommes dans votre domaine ? Quelles sont vos suggestions pour que la situation puisse s’améliorer plus rapidement ?

En entrant à l’ENS, nous étions 2 filles pour 36 reçus en maths dans ma promotion. Nous sommes toutes 2 devenues maîtresses de conférences, mais pas professeures. Il est nécessaire que notre communauté accepte de remettre en question ses jugements sur les évaluations de nos missions, et particulièrement les hommes qui représentent 80% d’entre nous. Il n’y a que 30 femmes professeures (6,5%) dans ma section. Pour faire bouger les lignes, je pense qu’il faudra des mesures coercitives comme dans le monde politique ou de l’entreprise. 

Quel message pouvez-vous donner aux jeunes filles pour les encourager à s’engager dans un parcours comme le vôtre ? 

Nous sommes dans une société en pleine transformation où les défis scientifiques sont immenses. Il y a besoin du regard féminin pour ouvrir les possibilités d’innovation, et de la diversité des scientifiques en général. Je ne peux qu’encourager les jeunes filles à s’engager vers ces parcours si riches intellectuellement, et qui ouvrent toute possibilité de carrières. En maîtrisant les mathématiques, on structure sa pensée. Cela nous prépare pour s’adapter et s’intégrer dans des domaines très variés. N’ayez pas peur, foncez, le jeu en vaut la chandelle !


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