Femmes En Tête 2024 – Aurélie Gilbert-Lepoutre

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Femmes En Tête 2024 – Aurélie Gilbert-Lepoutre

A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, nous présentons toute la semaine du 8 mars 2024 une série de portraits de femmes remarquables mises en avant par les sociétés savantes membres et associées du Collège des Sociétés Savantes Académiques de France.

Qu’est-ce qui a motivé votre choix de domaine d’études et de recherche ? Aviez-vous un modèle inspirant ?

Mes parents aiment beaucoup la science fiction, et je me souviens avoir regardé très jeune le film Le Trou noir de Gary Nelson avec ma mère. Je n’avais rien compris à ce qu’était cette chose, un trou noir, et ma mère n’avait pas su répondre à mes questions. Je me souviens m’être dit “un jour, je saurai”. Ensuite, je me suis dirigée progressivement vers les sciences, la physique puis l’astrophysique, presque par impertinence. Car malgré un parcours scolaire et supérieur exemplaire qui se déroulait sans difficulté, mes enseignants me disaient que je n’y arriverais pas.

Sur quel sujet travaillez-vous ? En quoi est-il important pour la science ? pour la société ? Quelle est votre plus grande réussite dans votre domaine ?

J’étudie les corps glacés du système solaire tels que les comètes, objets transneptuniens, planètes naines, ou encore les Centaures, qui sont des reliques de la formation des planètes. En les étudiant, je cherche à remonter le temps pour comprendre les étapes de formation et d’évolution de notre système solaire. D’une certaine manière, ces travaux participent à comprendre l’origine de l’eau et des molécules organiques, y compris sur Terre, à comprendre nos origines. J’ai contribué à démontrer que, contrairement à ce qu’on pensait jusqu’alors, les comètes sont modifiées au cours de leur histoire, et ne sont donc pas complètement représentatives des origines du système solaire. Mes travaux tiennent compte de cette évolution pour retrouver leurs caractéristiques initiales.

Quels sont vos projets professionnels pour les prochains mois, les prochaines années ?

Dans un avenir proche, mes travaux vont s’appuyer sur les instruments formidables dont ma discipline bénéficie actuellement. D’une part, le télescope spatial James Webb fournit des données exceptionnelles qui permettent de faire un véritable bond en avant dans la compréhension des objets transneptuniens et des comètes. D’autre part, l’agence spatiale européenne a récemment sélectionné la mission Comet Interceptor, qui va pour la première fois rendre visite à une comète qui n’est jamais entrée dans le système solaire interne depuis des milliards d’années. C’est un vrai défi de conception car la mission doit être développée alors que nous ne connaissons pas la cible ! Il faut donc s’appuyer sur des modèles robustes de comètes, prévoir l’imprévisible…

Dans quelles actions à caractère sociétal êtes-vous impliquée ?

Mon public préféré reste les élèves de primaire ou collège. J’aime voir les petites étoiles s’allumer dans les yeux des enfants quand je leur dis qu’ils sont tous chercheurs et qu’il faut qu’ils persistent à poser des questions. J’aime aussi montrer aux jeunes que n’importe qui peut accéder à ce métier, y compris une maman ordinaire ! Au sein de ma communauté, je coache les jeunes doctorantes ou postdoctorantes dans leur préparation aux concours de recrutement.

Avez-vous rencontré dans votre activité des difficultés (personnelles/sociales/structurelles) dues au fait d’être une femme ? ou au contraire, cela vous a-t-il parfois aidée ?

Malheureusement oui, comme beaucoup trop de mes collègues j’ai subi à peu près tout le spectre des comportements sexistes ou discriminants. Ces expériences me motivent à faire tout ce que je peux pour changer la situation existante, et améliorer l’environnement de tous, surtout des plus jeunes générations.

Quelle est la situation au plan de l’égalité F-H dans votre domaine ? Quelles sont vos suggestions pour que la situation puisse s’améliorer plus rapidement ?

L’astrophysique ne se porte pas trop mal en comparaison d’autres disciplines, avec 20 à 30% femmes dans la communauté française. Mais nous sommes loin d’avoir atteint l’égalité ou l’équité entre femmes et hommes, et il faut continuer les efforts tels que l’éducation de la communauté ou l’évaluation qualitative (plutôt que quantitative) qui permettront d’y arriver. Il faut trouver le moyen de convaincre les plus sceptiques que l’égalité femmes-hommes, c’est non seulement tendre vers une recherche de plus grande qualité, mais aussi tendre vers des conditions de travail plus inclusives de toutes les minorités, quelles qu’elles soient. C’est impératif d’y arriver, vite…

Quel message pouvez-vous donner aux jeunes filles pour les encourager à s’engager dans un parcours comme le vôtre ?

N’ayez pas froid au yeux, vous pouvez le faire ! Sachez qu’on se bat pour que vous puissiez prendre pleinement votre place dans le monde académique, la recherche a besoin de vous toutes.

 

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