Femmes En Tête 2023 – Irène Marcovici
A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, nous présentons toute la semaine du 8 mars 2023 une série de portraits de femmes remarquables mises en avant par les sociétés savantes membres et associées du Collège des Sociétés Savantes Académiques de France.
Irène Marcovici est maîtresse de conférences en mathématiques appliquées à l’Institut Elie Cartan de l’Université de Lorraine.
Qu’est-ce qui a motivé votre choix de domaine d’études et de recherche ? Aviez-vous un modèle inspirant (parent, enseignant.e, personnage de la littérature, du cinéma…) ?
Dès le collège, j’ai eu un goût pour la résolution de problèmes et la recherche d’énigmes
mathématiques, c’était comme un jeu pour moi. J’ai conservé ce goût par la suite et me suis
naturellement tournée vers des études de mathématiques. Mes parents ont tous les deux fait
des études scientifiques et donc dans ma famille, ce n’était pas spécialement surprenant
d’aimer les maths. Ils ont pu me conseiller et me soutenir pendant mes études. J’ai aussi eu des
enseignant·es qui m’ont encouragée et ont entretenu ma curiosité mathématique en me
donnant des exercices supplémentaires. Ils ont contribué à me donner davantage confiance en
moi.
Sur quel sujet travaillez-vous ? En quoi est-il important pour la science ? pour la société ?
Mes travaux de recherche se situent à la frontière entre les probabilités et l’informatique. Ils sont
de nature fondamentale, mais reposent en partie sur des motivations concrètes, comme
comprendre dans quelle mesure un programme informatique peut être robuste à des erreurs
aléatoires, ou encore concevoir des procédures d’auto-régulation pour des réseaux
informatiques. J’aime bien travailler sur des objets mathématiques relativement simples à
définir, mais qui soulèvent beaucoup de questions, et pour lesquels les outils sont à inventer.
Même lorsque les applications ne sont pas immédiates, il me semble important de continuer à
développer des mathématiques créatives et stimulantes.
Quelle est votre plus grande réussite dans votre domaine ?
On dit parfois que certaines grandes avancées scientifiques ont été faites « par hasard ». Plus
précisément, elles sont le fruit de découvertes inattendues effectuées par des chercheurs et
chercheuses qui ont su saisir et exploiter des résultats surprenants. De mon côté, mes plus
beaux travaux sont issus de collaborations initiées un peu « par hasard » aussi, suite à des
discussions informelles avec des collègues avec qui je me disais que ce serait intéressant et
sympathique de travailler ensemble. Je suis heureuse d’avoir su saisir ces occasions.
Quels sont vos projets professionnels pour les prochains mois, les prochaines années ?
Au-delà de mes demandes de promotion et de mes candidatures à venir, je souhaite poursuivre
mes recherches en continuant à enrichir mes travaux au gré des questions et des collaborations
rencontrées. Je vais aussi continuer à encadrer des doctorant·es et des stagiaires, c’est une
expérience de partage que j’apprécie et qui contribue au maintien d’un certain dynamisme
scientifique.
Avez-vous rencontré dans votre activité des difficultés (personnelles/sociales/structurelles) dues au fait d’être une femme ? ou au contraire, cela vous a-t-il parfois aidée ?
Je n’ai pas rencontré d’obstacles au cours de mon parcours, mais nous étions très peu de filles,
en classes préparatoires comme par la suite, et je pense que cela nous a amenées à douter
davantage de nous et à nous poser plus de questions sur le fait que nous avions bien notre
place dans ce domaine. Aujourd’hui, je constate régulièrement lors de réunions et de
conférences que la répartition des temps de paroles entre femmes et hommes est très
déséquilibrée : les hommes occupent encore plus d’espace que leur proportion, déjà plus
importante que celle des femmes. Il y a une réelle attention à porter à ce sujet. Ne pensons pas
non plus que notre milieu professionnel est exempt de situations de harcèlement et de
violences sexistes et sexuelles : ce n’est malheureusement pas le cas.
Quelle est la situation au plan de l’égalité Femmes-Hommes dans votre domaine ? Quelles sont vos suggestions pour que la situation puisse s’améliorer plus rapidement ?
Les femmes sont peu nombreuses, et en plus, elles font face à un plafond de verre : en
proportion, il y a deux fois moins de femmes parmi les professeurs des universités que parmi
les maîtres de conférences. Ceci s’explique en partie par l’obligation de mobilité pour le
recrutement des professeurs, qui pèse statistiquement davantage sur les femmes que sur les
hommes. Par ailleurs, je constate ces dernières années que le nombre de doctorantes ne
progresse pas : la précarisation des emplois de la recherche est un autre facteur qui décourage
encore plus les femmes de se lancer dans cette voie. Plutôt que de parler d’autocensure,
essayons d’identifier les mécanismes d’exclusion, qui sont multiples. L’association femmes et
mathématiques effectue un travail remarquable sur ce sujet.
Quel message pouvez-vous donner aux jeunes filles pour les encourager à s’engager dans un parcours comme le vôtre ?
Je pense qu’un bon moteur dans la vie est de faire des choses qu’on aime. Donc si vous aimez
les maths, faites des maths ! En plus, les études de mathématiques offrent énormément de
débouchés : les métiers de l’enseignement et de la recherche, bien sûr, mais aussi un grand
nombre de métiers d’ingénierie mathématique, qui peuvent être tournés vers des domaines
d’application très variés, y compris en lien avec l’environnement et les enjeux climatiques.
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