Femmes En Tête 2022 – Charlotte Ribeyrol

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Femmes En Tête 2022 – Charlotte Ribeyrol

Charlotte Ribeyrol - Femmes en tete 2022

A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, nous présentons toute la semaine du 8 mars 2022 une série de portraits de femmes remarquables mises en avant par les sociétés savantes membres et associées du Collège des Sociétés Savantes Académiques de France.

Charlotte Ribeyrol, Maîtresse de Conférences HDR en littérature britannique du XIXème siècle à Sorbonne Université, Membre junior de l’Institut Universitaire de France, Responsable du Projet ERC Consolidator CHROMOTOPE et Honorary Curator de l’Ashmolean Museum d’Oxford.


Qu’est-ce qui a motivé votre choix de domaine d’études et de recherche ? Aviez-vous un modèle inspirant (parent, enseignant.e, personnage de la littérature, du cinéma…) ?

Ma mère étant spécialiste de Shakespeare, je baigne dans un environnement littéraire depuis toute petite. Ma recherche a également une dimension visuelle très forte que j’ai développée, entre autres, auprès de ma professeure d’histoire de l’art à l’ENS, Marie Gautheron. C’est grâce à elle que j’ai découvert l’art flamand en première année d’École, puis les couleurs de la peinture grecque antique, autour d’une collaboration avec le Musée du Louvre en 2005. Ma passion pour la couleur est donc aussi née de cette rencontre clé. 

Sur quel sujet travaillez-vous ? En quoi est-il important pour la science ? pour la société ?

Dans le cadre de Chromotope, j’explore le ‘tournant chromatique’ du XIXème siècle à l’aune de l’impact culturel de l’invention des premiers colorants de synthèse. Ce programme de recherche croisant littérature, histoire de l’art, anthropologie et chimie est porté par une équipe de chercheuses et de chercheurs de Sorbonne Université, du Conservatoire National des Arts et Métiers et de l’Université d’Oxford. Si le champ des études sur la couleur est aujourd’hui en plein essor, c’est la première fois qu’un projet interdisciplinaire de cette envergure analyse un moment crucial de l’histoire de la perception et de la production de la couleur, dont nous sommes, à bien des égards, toujours les héritier.ère.s. Je mets d’ailleurs souvent en avant ces résonances entre le XIXème siècle et notre époque lorsque je présente mon travail auprès de lycéen.ne.s, d’étudiant.e.s ou du grand public. Car cette dimension culturelle de la couleur fait partie intégrante de notre quotidien, qu’il s’agisse d’art, de politique, de sport ou de mode et il est important d’en savoir décoder à la fois l’origine et le sens.

Quelle est votre plus grande réussite dans votre domaine ?

D’avoir réussi à fédérer autour de Chromotope une belle équipe interdisciplinaire de chercheur.euse.s venus du monde entier. Je suis également fière d’avoir tenu l’engagement que j’avais pris auprès de l’ERC de constituer une équipe parfaitement paritaire, ce qui n’a d’ailleurs pas été difficile car nous avons reçu des candidatures de jeunes femmes tout à fait exceptionnelles. 

J’espère cependant que notre plus grande réussite reste à venir : un des résultats les plus attendus de ce projet est en effet l’exposition ‘The Colour Revolution, From Turner to Whistler’ qui s’ouvrira à l’Ashmolean Museum d’Oxford en septembre 2023. Cet événement devrait être une vitrine formidable pour notre recherche auprès à la fois du grand public et de la communauté universitaire. 

Quels sont vos projets professionnels pour les prochains mois, les prochaines années ?

J’ai prévu cette année de me consacrer pleinement à cette exposition et à la rédaction du catalogue ainsi qu’à l’organisation d’un grand colloque international autour de la couleur au XIXème siècle qui devrait se tenir à l’Université d’Oxford fin 2023. Mais parallèlement j’ai aussi commencé à nouer des liens avec des collègues travaillant sur des problématiques connexes en Allemagne et en Italie car j’aimerais élargir le champ de ma réflexion au-delà de la France et de la Grande-Bretagne. Ces collaborations viendront nourrir la ChromoBase (la base de données du projet) qui, je l’espère, continuera de se développer au-delà de Chromotope, sous l’impulsion des doctorantes et post-doctorantes formées au sein de notre équipe. 

Avez-vous rencontré dans votre activité des difficultés (personnelles/sociales/structurelles) dues au fait d’être une femme ? ou au contraire, cela vous a-t-il parfois aidée ?

La principale difficulté que j’ai pu rencontrer – et à laquelle je suis encore confrontée aujourd’hui comme nombre de mes collègues enseignantes-chercheuses – est la conciliation, parfois complexe, entre vie de famille et activité professionnelle, notamment dans l’organisation de mes déplacements à l’étranger. Pour prendre un exemple très concret : en 2018 j’ai passé l’oral de l’ERC à peine un mois après avoir accouché de mon deuxième fils. L’ERC, qui est très sensible à ces questions, m’a proposé un horaire de passage qui m’a permis de faire l’aller-retour à Bruxelles dans la journée – sans quoi j’aurais peut-être hésité à passer cet entretien. Il faut saluer ce genre d’initiative qui devrait être la norme. 

Quelle est la situation au plan de l’égalité Femmes-Hommes dans votre domaine ? Quelles sont vos suggestions pour que la situation puisse s’améliorer plus rapidement ?

En sciences humaines, et notamment en langues, les UFR sont majoritairement féminines mais comme partout le ratio F-H a tendance à s’inverser lorsqu’on monte les échelons. Par ailleurs, dans ce domaine, seules 30% des ERC sont portées par des femmes ce qui signifie non pas que les femmes s’auto-censurent, comme cela a pu parfois être dit, mais que les conditions ne sont pas encore réunies pour que les chercheuses puissent préparer au mieux ce type de dossier très lourd, notamment au niveau consolidator (7-12 après la thèse) qui correspond à une période où on peut aussi vouloir construire une vie de famille. 

Il faut donc plus d’accompagnement et de décharges (ou congés recherche) pour libérer le temps nécessaire aux chercheuses pour monter ce genre de projets ou collaborations. Heureusement les initiatives se multiplient en ce sens tant au niveau local que national. C’est un très bon signe, même s’il reste encore des progrès à faire. 

Quel message pouvez-vous donner aux jeunes filles pour les encourager à s’engager dans un parcours comme le vôtre ? 

Le travail en équipe est essentiel : c’est grâce à l’interdisciplinarité et au collectif qu’émergent les nouvelles problématiques qui feront la recherche de demain. 


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