Femmes En Tête 2024 – Gaëlle Poignand

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Femmes En Tête 2024 – Gaëlle Poignand

A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, nous présentons toute la semaine du 8 mars 2024 une série de portraits de femmes remarquables mises en avant par les sociétés savantes membres et associées du Collège des Sociétés Savantes Académiques de France.

Qu’est-ce qui a motivé votre choix de domaine d’études et de recherche ? Aviez-vous un modèle inspirant ?

Quand j’étais enfant, je souhaitais devenir archéologue, pour découvrir des trésors cachés dans le sol. J’ai toujours eu la curiosité de savoir comment fonctionnent les choses qui m’entourent. C’est cette curiosité et la volonté de comprendre les choses qui m’ont naturellement amenée vers des études en sciences. Contrairement à certains, ce choix n’a pas été dicté par un modèle inspirant. Mon choix de sujet de thèse s’est porté sur la thermoacoustique car j’ai eu l’opportunité d’être dirigée par Michel Bruneau qui est un des piliers de l’acoustique en France et qui avec sa femme, Anne-Marie, est à l’origine de la création du Laboratoire d’Acoustique de l’Université du Mans. Ma thèse a été co-encadrée par Pierrick Lotton, qui est aussi reconnu dans le domaine de l’acoustique. Ces deux chercheurs, ainsi que ceux que j’ai rencontrés lors de mon parcours, m’ont confortée dans l’idée de poursuivre dans la recherche académique.

Sur quel sujet travaillez-vous ? En quoi est-il important pour la science ? pour la société ? Quelle est votre plus grande réussite dans votre domaine ?

Mes travaux portent sur l’étude des systèmes thermoacoustiques. Le principe de fonctionnement de ces systèmes repose sur l’effet thermoacoustique qui permet  dans un matériau poreux, sous certaines conditions bien définies, la conversion d’énergie thermique en énergie acoustique, ou inversement. Je travaille plus précisément sur la mise au point et la compréhension des machines thermoacoustiques, que ce soit des moteurs ou des pompes à chaleur thermoacoustiques. Couplé à un alternateur, un moteur thermoacoustique peut générer de l’électricité en récupérant, par exemple, de l’énergie solaire ou de la chaleur perdue dans un dispositif industriel. Un des avantages notables de ces systèmes est qu’ils sont écologiques puisqu’ils n’utilisent pas de gaz nocifs pour l’environnement. Au sein de l’opération de recherche, nous avons notamment développé des nouveaux concepts pour pouvoir réduire la taille de ces systèmes ou encore contrôler leur fonctionnement, leur température de fonctionnement et leur efficacité, via une boucle de rétroaction électro-acoustique.

Quels sont vos projets professionnels pour les prochains mois, les prochaines années ?

Je collabore sur plusieurs projets actuellement, qui vont se poursuivre dans les mois voire années à venir comme l’étude d’une turbine  acoustique pour remplacer les alternateurs électrodynamiques qui sont des éléments coûteux des systèmes, ou encore l’étude de l’effet de l’humidité ou de la convection naturelle sur l’efficacité d’un système. Le projet qui me tient le plus à cœur est celui avec un centre de transfert de technologie pour la construction d’un générateur d’électricité thermoacoustique pour récupérer de la chaleur fatale (chaleur produite à basse température mais non utilisée et non valorisée) avec la notion de frugalité. Ce système aura certes une efficacité et une puissance électrique générée réduites par rapport à ce qu’elles pourraient être, mais basée sur une architecture low-cost et low-tech.

Dans quelles actions à caractère sociétal êtes-vous impliquée ?

 J’aime m’investir dans des événements de diffusion scientifique, comme la fête de la science, qui me permet de faire découvrir au grand public le domaine dans lequel je travaille, l’acoustique.  Je participe aussi à des événements comme la Biennale du son, Le Mans Sonore, en mettant au point des démonstrateurs qui permettent d’illustrer certains axes de recherche. Ces événements permettent de sensibiliser le plus grand nombre aux avancées et aux applications de l’acoustique et pourquoi pas susciter des vocations chez les plus jeunes.

Avez-vous rencontré dans votre activité des difficultés (personnelles/sociales/structurelles) dues au fait d’être une femme ? ou au contraire, cela vous a-t-il parfois aidée ?

Je n’ai pas rencontré de problèmes spécifiques liés au fait d’être une femme dans mon travail. J’ai l’impression de travailler d’égal à égal. Cela ne doit pas occulter le fait que si je suis à ce poste, c’est justement parce que je n’ai pas rencontré de barrières et que le parcours professionnel de certaines femmes peut être affecté par des biais de sélection ou des obstacles liés au fait d’être une femme.

Quelle est la situation au plan de l’égalité F-H dans votre domaine ?

Il y a un déséquilibre marqué du nombre de femmes par rapport au nombre d’hommes dans mon domaine de recherche qui est plus globalement rattaché à la mécanique. Au sein de mon laboratoire, le nombre de femmes chercheuses est de 3 femmes sur 69 chercheur.ses, soit moins de 5%. Personnellement, je suis ingénieure, je fais partie du pôle technico-scientifique de mon laboratoire et sur les 18 personnes que compte ce pôle, je suis la seule femme. Si je regarde le nombre d’étudiantes en master et en thèse, cela laisse entrevoir une évolution positive dans les années à venir. Cependant un plafond de verre persiste, peu de candidates postulent sur les concours. J’attribue cela notamment en raison de l’âge moyen pour l’obtention d’un poste académique, qui est autour de 32 ans. L’expérience requise pour avoir des chances de réussir nécessite de pouvoir enchaîner des contrats post doctoraux dans des laboratoires différents qui peuvent être dans des pays différents. Ce besoin d’être mobile se fait parfois au détriment de la construction de la vie familiale.

Quelles sont vos suggestions pour que la situation puisse s’améliorer plus rapidement ?

Il y a un travail à faire sur le biais de genre dans l’éducation qui peut créer des attentes différentes pour les filles et les garçons et qui à termes oriente leur choix d’étude. Une première suggestion serait de commencer à intéresser les jeunes filles à la science dès leur plus jeune âge. C’est le sens des opérations de diffusion de la science grâce auxquelles les jeunes filles peuvent voir quel est l’intérêt de la science mais aussi avec quelle passion les chercheurs s’investissent dans leur métier. Une autre suggestion serait de mettre en avant des modèles de femmes scientifiques pour aider les jeunes filles à se projeter dans leur avenir.

Un dernier point concerne les concours de recrutement pour lesquels il est clair que la concurrence est forte. Je pense qu’il est nécessaire d’inciter et de soutenir les jeunes docteures à postuler sur les concours, comme parfois cela est fait pour les jeunes docteurs car certaines n’osent pas y aller d’elles-mêmes.

Quel message pouvez-vous donner aux jeunes filles pour les encourager à s’engager dans un parcours comme le vôtre ?

L’épanouissement professionnel est souvent lié à une passion. C’est à travers vos expériences que vous découvrirez ce qui vous passionne vraiment et ce qui vous motive. Il faut donc être curieuses, ne pas hésiter à prendre des risques et à persévérer !

 

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