Femmes En Tête 2024 – Solène Grayo

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Femmes En Tête 2024 – Solène Grayo

A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, nous présentons toute la semaine du 8 mars 2024 une série de portraits de femmes remarquables mises en avant par les sociétés savantes membres et associées du Collège des Sociétés Savantes Académiques de France.

Qu’est-ce qui a motivé votre choix de domaine d’études et de recherche ?

J’ai toujours été très curieuse avec une soif insatiable de comprendre la vie. Le déclic m’ayant amenée à évoluer dans le domaine de la Recherche a été le fait de 2 rencontres : celle du commandant Cousteau à travers ses émissions « l’Odyssée sous-marine » consacrées à la biodiversité marine à bord de la Calypso et celle du couple Maurice et Katia Krafft, chercheurs passionnés de vulcanologie qui m’embarquait dans leurs reportages. Après mon baccalauréat, je débute des études pharmaceutiques à Rennes mais je comprends rapidement que l’Officine ou l’Industrie Pharmaceutique, ce n’était pas pour moi. Aussi, en parallèle, je m’inscris au Master Biodiversité, écologie et évolution à l’Université Marine de Brest qui me donne l’opportunité de réaliser un premier stage sur l’étude des microorganismes vivants à proximité des sources hydrothermales ou volcans sous-marins à l’Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la MER (IFREMER). A partir de cette date, ma passion pour la microbiologie ne m’a plus jamais quittée. L’année suivante, je monte à Paris pour un 2nd Master en Microbiologie avec un stage à l’Institut Pasteur de Paris (IP Paris) où je continue en Thèse. Une fois passé mes doctorats en Pharmacie et en Sciences, j’intègre le Pasteur Network, comptant aujourd’hui 32 instituts dans le monde. J’ai notamment mené des travaux à l’IP de Nouvelle-Calédonie, l’IP de Shanghai et suivi des formations à l’IP de Hong-Kong et celui du Cambodge avant de poser mes valises à l’Institut Pasteur de Guinée (IPGui).

Aviez-vous un modèle inspirant ?

Mes parents sont des modèles de courage, d’engagement, amoureux du travail bien fait. Bien qu’ils ne soient pas familiers avec le domaine de la Recherche, ils me font toujours confiance et m’encouragent à concrétiser mes rêves. Passionnés par les voyages, ils m’embarquent dès l’âge de 8 ans à la rencontre des différentes cultures africaines.

Sur quel sujet travaillez-vous ?

Je travaille sur les zoonoses, maladies infectieuses transmises entre les animaux et l’homme.

En quoi est-il important pour la science ?

60 % des maladies infectieuses décrites chez l’homme sont d’origine animale. La santé humaine et la santé animale sont étroitement liées et toutes deux dépendantes de l’environnement. Pour surveiller et combattre efficacement les zoonoses, des équipes multidisciplinaires doivent être mobilisées et cela concerne tous les domaines scientifiques (biologie, sciences de la terre, mathématiques, informatique, sociologie, anthropologie, …).

En quoi est-il important pour la société ?

75 % des maladies humaines émergentes sont des zoonoses. Cette situation s’explique par de nouvelles relations/interactions entre l’homme et l’animal (domestication, intensification d’élevage, exploitation des forêts proches de la faune sauvage) dans une volonté de satisfaire des intérêts d’ordre économique, liés à l’agriculture, l’élevage, l’industrie conduisant à intensifier le marché et explorer des territoires au détriment de la biodiversité. Il y a une claire relation entre perte de biodiversité et l’émergence de risques infectieux. C’est une problématique majeure de Santé globale ou « One Health » nécessitant des recherches transdisciplinaires. Cela souligne l’importance de poser des questions de stratégies économiques, de production, de déplacements des populations et des activités humaines. Enfin, le partage de la connaissance entre toutes les parties prenantes est primordial et implique la responsabilité des scientifiques, des gouvernements, du public et des médias.

Quelle est votre plus grande réussite dans votre domaine ?

Ma carrière m’amène à découvrir de nouveaux pays, de nouvelles cultures et de nouveaux environnements de travail. Mon ouverture d’esprit me permet de construire un réseau de scientifiques sans frontière spatiale, linguistique et culturelle. La où je suis passée, j’espère avoir aider la nouvelle génération de chercheurs. Je n’ai pas de réussite personnelle, mais uniquement envie de transmettre ma passion.

Quels sont vos projets professionnels pour les prochains mois, les prochaines années ?

Continuer mon engagement auprès de l’IPGui. Poursuivre mes recherches sur les zoonoses en Afrique sub-saharienne au plus proche des populations, « une approche intégrée ».

Dans quelles actions à caractère sociétal êtes-vous impliquée ?

Cette approche « intégrée » implique à la fois de mener des activités scientifiques et de sensibiliser les communautés, comme le montre ce film : https://youtu.be/FboN40swrRQ?si=qMnmWWi0mliciLA3

Une meilleure interaction avec les populations est cruciale. Elle passe par le développement d’outils de communications adaptés (jeux, capsule vidéo) pour comprendre leurs relations avec les animaux et expliquer de manière simple les risques infectieux.

Avez-vous rencontré dans votre activité des difficultés (personnelles/sociales/structurelles) dues au fait d’être une femme ? ou au contraire, cela vous a-t-il parfois aidée ?

Je n’ai pas pris conscience aussitôt que le monde de la recherche était très concurrentiel et que la reconnaissance scientifique se basait principalement sur les publications. J’ai participé à plusieurs travaux de recherche qui n’ont pas été publiés. Heureusement, j’ai rencontré des personnes qui croient en moi, m’aident à développer mes forces et à surmonter mes faiblesses.

Quelle est la situation au plan de l’égalité F-H dans votre domaine ?

L’égalité H-F est en belle progression en Europe et s’améliore peu à peu en Afrique. Le plan d’égalité des genres de l’Institut Pasteur en faveur de l’égalité, de la diversité et de l’inclusion est impliqué depuis mai 2022 à l’IPGui.

Quelles sont vos suggestions pour que la situation puisse s’améliorer plus rapidement ?

L’égalité H-F ne se limite pas au domaine de la recherche. Au-delà du genre, il faut réapprendre le respect, accepter le choix de vie de chacun et la/les différence(s).

Quel message pouvez-vous donner aux jeunes filles pour les encourager à s’engager dans un parcours comme le vôtre ?

Gardez confiance, rien n’est impossible si la passion est là. Le chemin ne sera pas forcément à l’image d’une ligne droite, mais les nombreux virages effectués pour arriver à destination sont riches d’expériences et de rencontres qui vous aideront à construire une carrière scientifique qui vous ressemble.

 

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