La loi immigration, xénophobe et populiste, ignore sciemment les travaux scientifiques
A l’instar de l’Académie des Sciences, de France Universités, de nombreux président·es d’universités ou d’organismes de recherche, de sociétés savantes et de très nombreux membres de la communauté académique, le Conseil d’administration du Collège des sociétés savantes académiques de France et les sociétés signataires tiennent à exprimer leur consternation et leur profonde indignation devant le texte de la loi sur l’immigration adopté le 19 décembre.
Cette loi légitime une idéologie xénophobe et discriminatoire. Elle est de l’aveu même de la Première ministre sans doute contraire à la Constitution. Elle va à l’encontre des connaissances scientifiques sur les migrations et heurte frontalement les principes des Lumières qui fondent la civilisation même qu’elle prétend défendre. Sa promulgation en l’état affecterait la vie de dizaines de milliers de femmes et d’hommes et agirait comme un frein à leur intégration dans notre pays. Elle aurait aussi de profondes conséquences sur l’activité économique nationale.
En tant que représentantes et représentants du monde académique, le volet de la loi qui cible les étudiants étrangers nous paraît singulièrement indigne et délétère. La mission de l’Université ne peut se concevoir sans l’enrichissement croisé de notre système académique avec celui des autres pays. La formation en France des futures élites étrangères participe au rayonnement culturel, diplomatique et économique de notre nation. Plus grave encore, en instaurant une suspicion de principe à l’égard des étudiants étrangers, cette loi viole les principes d’accès ouvert et égal à la connaissance qui prévalent dans l’Université française.
Comme l’Enseignement supérieur, la recherche scientifique ne peut prospérer sans échanges internationaux. 40% des doctorant·es de nos laboratoires sont étrangers, près d’un tiers des chercheurs actuellement recrutés au CNRS sont de nationalité étrangère. Emmanuel Macron s’est félicité le 7 décembre que 49% des chaires de professeur junior ont été attribuées à des scientifiques venant de l’étranger. Où serait la cohérence de promulguer quelques semaines plus tard une loi qui prive les scientifiques étrangers qui choisissent la France de prestations familiales pendant 30 mois après leur arrivée ? Cette loi est révélatrice de la schizophrénie des politiques publiques françaises.
En démocratie, l’élaboration de la loi ne doit pas être le produit de passions tristes, de cynisme et de manœuvres politiciennes au service d’ambitions personnelles. C’est pourtant exactement ce qui s’est produit ces dernières semaines. Cette loi relève d’une vision purement idéologique de la société qui a par le passé servi à justifier les pires crimes. Aucun fait établi, aucune étude scientifique sérieuse ne donne crédit à l’idée qu’une lutte contre un “appel d’air” à l’immigration fantasmé réglera les problèmes du déficit public, du chômage, de l’économie, de l’insécurité ou de la violence. Cette loi illustre l’importance de la prise en compte des connaissances scientifiques dans les politiques publiques.
Nous appelons la communauté académique à s’élever contre cette loi et à poursuivre ses efforts pour rappeler avec vigueur le danger d’une prolifération incontrôlée dans le débat public d’idéologies toxiques et clivantes, sans fondement rationnel. Au lieu de dresser les individus les uns contre les autres en instrumentalisant la peur de l’autre, il est urgent de mobiliser l’ensemble de la société pour faire face aux véritables transformations du monde.
Le communiqué au format pdf peut-être téléchargé ici : https://societes-savantes.fr/wp-content/uploads/2023/12/College-societes-savantes-academiques-loi-immigration.pdf