Femmes En Tête 2025 – Nathalie Revol

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Femmes En Tête 2025 – Nathalie Revol

Chargée de recherche Inria, chercheuse en informatique (LIP – ENS de Lyon)

A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, nous présentons toute la semaine du 8 mars 2025 une série de portraits de femmes remarquables mises en avant par les sociétés savantes membres et associées du Collège des Sociétés Savantes Académiques de France.

  • Qu’est-ce qui a motivé votre choix de domaine d’études et de recherche ? Aviez-vous un modèle inspirant (parent, enseignant.e, personnage de la littérature, du cinéma…) ?

La génération de mes grands-parents était rurale, la génération de mes parents est celle qui a quitté la campagne, les femmes n’exerçaient pas d’activité salariée. Il n’y a pas de modèle scientifique dans ma famille. Cela m’a donc probablement permis d’envisager toutes les possibilités et de choisir, sans idée préconçue, la voie que j’avais envie de suivre.

  • Sur quel sujet travaillez-vous ? En quoi est-il important pour la science ? pour la société ? Quelle est votre plus grande réussite dans votre domaine ?

Mon sujet de recherche porte sur les calculs numériques, où l’on commet des erreurs qui ont des sources multiples : simplification lors de la mise en équation d’un phénomène physique, approximations pour passer de ces équations à un problème que l’on peut résoudre avec un ordinateur, puis erreurs d’arrondi à chaque opération si on calcule avec un nombre fixe et fini de chiffres. Ma question de recherche est de réussir à fournir des garanties sur le résultat calculé, malgré ces erreurs. Je me focalise sur les erreurs d’arrondi et je travaille sur « l’arithmétique par intervalles ». Ce travail permet, pour des problèmes pour lesquels la précision est critique, d’assurer qu’un résultat calculé est proche du résultat exact.

Une de mes réussites est d’avoir co-développé un logiciel d’arithmétique par intervalles et que ce logiciel soit utilisé par d’autres pour obtenir leurs propres résultats de recherche. Une autre fierté est d’avoir coordonné et mené à bien un travail collectif pour se mettre d’accord sur les définitions mathématiques des différentes opérations de cette arithmétique, qui a donné lieu à la norme IEEE 1788-2015.

  • Quels sont vos projets professionnels pour les prochains mois, les prochaines années ?

Je souhaite continuer à mettre à disposition cet outil logiciel et à l’enrichir. Je souhaite aussi élargir le champ des algorithmes qui en tirent parti, en me laissant guider par les collaborations et les applications qui se présentent. En effet, j’aime bien me laisser guider par les rencontres et les opportunités fortuites.

  • Dans quelles actions à caractère sociétal êtes-vous impliquée ? (diffusion des connaissances, mentorat, développement des relations science-société, promotion des femmes dans les sciences)

J’aime beaucoup partager mon plaisir à pratiquer les sciences informatique et mathématique avec un public le plus large possible. Je fais aussi bien des interventions ponctuelles pour des scolaires que des animations pour des festivals des sciences. Je suis également éditrice scientifique de la revue Interstices qui s’adresse à un public de niveau lycée.

C’est indissociable de mes actions pour promouvoir les femmes en sciences, parce que le simple fait que ce soit une femme qui parle de sciences « prouve » que les femmes y ont leur place. Je mène aussi des actions spécifiques, telles que l’organisation tous les ans depuis 2016 d’une Journée « Filles et Maths-Info »  à l’ENS de Lyon à destination de lycéennes, ou la participation à des tables rondes…

  • Avez-vous rencontré dans votre activité des difficultés (personnelles/sociales/structurelles) dues au fait d’être une femme ? ou au contraire, cela vous a-t-il parfois aidée ?

Ma difficulté majeure est que je doute beaucoup de moi et les remarques du type « tu es dans tel jury parce que tu es une femme » ne m’aident pas. Peut-être, en effet, la première fois ai-je été invitée parce que je suis une femme – et j’apprécie cet avantage -, mais je dois faire l’effort de me dire « oui, mais j’ai été invitée à nouveau, j’ai donc dû bien faire le job ».

  • Quelle est la situation au plan de l’égalité F-H dans votre domaine ? Quelles sont vos suggestions pour que la situation puisse s’améliorer plus rapidement ?

En informatique, le pourcentage de femmes baisse depuis 1985 environ et c’est un phénomène répandu dans tous les pays occidentaux. En mathématiques en France, (cf. Laurence Broze pour Femmes&Maths), il n’y aura plus de femmes professeures d’université en mathématiques en 2075 si la tendance ne s’inverse pas. De plus, même quand les femmes ont choisi l’informatique, 51% d’entre elles quittent leur emploi dans le secteur du numérique avant leurs 35 ans, contre 17% des hommes (cf. Accenture et Girls Who Code, 2020). Mes suggestions sont de faire prendre conscience de cette situation à toutes les personnes dans ce secteur, puis de former, d’éduquer – et à nouveau cela doit s’adresser à toutes les personnes – afin que l’environnement d’études ou de travail soit accueillant pour toutes et tous. Cette évolution ne peut pas reposer uniquement sur les épaules des femmes.

  • Quel message pouvez-vous donner aux jeunes filles pour les encourager à s’engager dans un parcours comme le vôtre ?

Mon conseil serait de bien identifier les matières qui leur plaisent le plus, puis de bien se renseigner sur les métiers correspondants pour s’assurer (ou se rassurer) sur le fait qu’il existe plusieurs façons de les exercer et qu’elles en trouveront une qui leur convienne. C’est aujourd’hui très facile  de trouver l’information, qu’elles en profitent et qu’elles gardent comme premier critère de choix les disciplines qui les attirent, c’est le meilleur moyen d’exercer plus tard un métier qui les passionne.

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