Femmes En Tête 2023 – Michelle Bubenicek
A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, nous présentons toute la semaine du 8 mars 2023 une série de portraits de femmes remarquables mises en avant par les sociétés savantes membres et associées du Collège des Sociétés Savantes Académiques de France.
Michelle Bubenicek est professeure des Universités en histoire médiévale et directrice de l’École Nationale des Chartes.
Qu’est-ce qui a motivé votre choix de domaine d’études et de recherche ? Aviez-vous un modèle inspirant (parent, enseignant.e, personnage de la littérature, du cinéma…) ?
Fille d’un universitaire spécialiste de langue et de littérature médiévales et d’une professeure de lettres classiques, j’ai grandi dans une atmosphère de recherche où le Moyen Âge était très présent, et c’est certainement ce modèle parental très littéraire qui a déterminé, du moins en partie, mon orientation vers l’histoire et l’École nationale des chartes.
Sur quel sujet travaillez-vous ? En quoi est-il important pour la science ? pour la société ?
Ma recherche s’articule autour de deux grandes thématiques : la place des femmes en société et en politique, durant la période médiévale ; d’autre part, la construction des centralités étatiques et les freins, limites, oppositions à ces modèles politiques. Je constate, avec plaisir, que ces sujets sont aujourd’hui d’une grande actualité : l’on ne s’est par exemple jamais autant interrogé qu’actuellement sur la place qui doit être celle des femmes en société, notamment aux postes de pouvoir, dans les entreprises, comme en politique ; or, pour avoir beaucoup travaillé sur les situations de pouvoir féminin à la fin de la période médiévale, je reste frappée par la similarité de certaines des difficultés rencontrées. Quant aux « doléances » politiques médiévales et modernes, qui m’ont également bien occupée récemment, il est évidemment intéressant de les mettre en regard des revendications actuelles dans nos sociétés. Le temps long de l’histoire a cette vertu de remettre en perspective et par conséquent de mieux comprendre les débats actuels de nos sociétés !
Quelle est votre plus grande réussite dans votre domaine ?
Je suis assez fière d’avoir soutenu, en 1998, à l’université de Paris 1-Panthéon-Sorbonne, l’une des premières thèses ayant choisi de croiser l’histoire des femmes et celle du pouvoir : en effet, à cette époque, seul le genre biographique permettait de traiter, et d’une manière très générale, des figures féminines, quand par ailleurs, l’histoire politique en vogue depuis les années 80 ne prenait guère en compte les situations de pouvoir « au féminin… ». En ce sens, le choix de croiser les deux domaines était audacieux, et s’il m’a valu, au tout début, quelques remarques sceptiques, le champ immense ouvert par ce type d’approche a rapidement suscité d’autres vocations.
Quels sont vos projets professionnels pour les prochains mois, les prochaines années ?
Mes fonctions actuelles de directrice de l’École nationale des chartes, très chronophages, ne me laissent que peu de temps pour continuer mes recherches, mais j’ai tout de même quelques projets qui me tiennent à cœur : un ouvrage biographique chez un grand éditeur en histoire, et la reprise de mes recherches sur les femmes en situation de justice.
Avez-vous rencontré dans votre activité des difficultés (personnelles/sociales/structurelles) dues au fait d’être une femme ? ou au contraire, cela vous a-t-il parfois aidée ?
Dans le contexte d’une candidature à un poste de maître de conférences, je me suis vu, il y a quelque vingt ans, reprocher par un collègue chargé d’examiner mon dossier d’avoir un « handicap », à savoir un enfant, quand l’université était -selon lui- un « monde de clercs ». Puis, quand j’ai obtenu mon poste de professeure des universités, un autre collègue a osé me demander comment j’allais m’organiser « pour les enfants… ». Et le moins que l’on puisse dire est que la gestion des congés de maternité à l’université n’est pas une évidence.
Quelle est la situation au plan de l’égalité Femmes-Hommes dans votre domaine ? Quelles sont vos suggestions pour que la situation puisse s’améliorer plus rapidement ?
En sciences humaines et sociales, la présence des femmes est désormais acquise s’agissant des postes de maître de conférences et des postes de professeurs des universités, même si l’accès au dernier grade – celui de professeur-, demeure plus long et difficile pour les femmes qui doivent concilier vie familiale et préparation exigeante de l’HDR… Mais des progrès restent à faire concernant l’accès des femmes aux postes à responsabilité : présidence des écoles et des universités, direction des organismes de recherche et des facultés…
Quel message pouvez-vous donner aux jeunes filles pour les encourager à s’engager dans un parcours comme le vôtre ?
Les femmes ont de grands atouts -elles sont souvent tenaces, volontaires, exigeantes avec elles-mêmes- et une faiblesse liée à ces qualités, le sentiment de l’illégitimité. Si j’ai donc un message et un conseil, ce serait celui-ci : « tout est possible, croyez en vous et ne vous interdisez rien ! »
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